Daniel Day-Lewis et DiCaprio dans Gangs of New York
Miramax Films

"Comment pouvez-vous découvrir quoi que ce soit en traînant sur des plateaux de cinéma ?", se demandait le comédien dans Première, en 2003.

En 1846, le quartier de Five Points est le théâtre d’une sanglante guerre des gangs entre les émigrants irlandais et les Native Americans. Père Vallon et Bill le Boucher sont à la tête de leur gang respectif, quand le Boucher assassine Père Vallon et prend le contrôle exclusif de New York. Seize ans plus tard, Amsterdam Vallon a des envies de vengeances… 

Martin Scorsese a récemment clamé toute son admiration envers Daniel Day-Lewis, qu'il aimerait faire sortir de sa retraite pour une nouvelle collaboration. Jamais deux sans trois ?

"Merci à toi, Daniel, de me remettre cet prix, a dit Martin Scorsese en montant sur la scène des National Board Review Awards en janvier dernier. Cela m'honore particulièrement que ce soit toi qui sois là. Vous savez, on a fait deux films ensemble, et ce furent deux des plus belles expériences de toute ma vie, je dois dire. Peut-être qu'il est temps d'en réaliser une nouvelle ?"

En 1993, les deux artistes avaient effectivement collaboré sur Le Temps de l'innocence, puis il a fallu attendre deux décennies pour qu'ils refassent équipe sur Gangs of New York, rediffusé ce soir sur Arte - et visible gratuitement en replay sur le site de la chaîne jusqu'au 5 mai. A l'époque, cela faisait 8 ans que Day-Lewis avait tiré un trait sur sa carrière d'acteur. Une longue pause à laquelle le réalisateur de Taxi Driver a mis fin en lui proposant le rôle de Bill le Boucher face à Leonardo DiCaprio et Cameron Diaz.

Ce personnage avait initialement été proposé par Scorsese à son acteur fétiche Robert de Niro, après avoir un temps songé à engager pour ce film historique... Dan Aykroyd et John Belushi !

Quand Martin Scorsese voulait réunir les Blues Brothers dans Gangs of New York

"Il était Bill le Boucher et pas Daniel Day-Lewis"

A sa sortie, en 2003, Daniel Day-Lewis expliquait dans Première (n°311, avec Eminem en couverture pour 8 Mile) avoir été emballé par "un rôle à la fois aussi excitant et effrayant que celui de Bill le Boucher ", mais Martin Scorsese confirmait qu'il avait tout de même hésité avant de signer : "Daniel n’était pas sûr de vouloir faire le film. Il savait que ça allait être long et qu’il y aurait des changements dans le scénario. Alors, quand il m’a demandé pourquoi j’avais pensé à lui, je lui ai répondu qu’il était l’une des rares personnes à pouvoir comprendre la nature de la colère qui anime Bill."

"Il y a toujours tellement de choses qu’on aurait souhaité faire différemment, expliquait ensuite le comédien, alors âgé de 45 ans, au journaliste Tom Roston. Je crains que le public ne trouve mon interprétation de Bill incompréhensible."

Puis il ajoutait, à propos de ce personnage violent et doté de multiples facettes :

"Plus je plongeais dans la personnalité de Bill, plus je la trouvais fascinante. Une partie de mon travail consistait à partager la conviction de Bill, et il est bien plus facile de vivre dans la conviction que dans le doute. Celle de Bill est inébranlable. C’est un état d’esprit très dangereux bien que très plaisant et étrangement relaxant. Il a cependant un sens de l’honneur poussé à l’extrême, un idéal de lui-même qui, dans la vie comme dans la mort, le pousse à s’interroger sur sa propre valeur. (…) C’est difficile à expliquer, mais j’ai une certaine sympathie pour Bill. Il s’était certes fourvoyé mais vivait selon un code moral particulier qui correspondait à la brutalité de son époque et à son quartier. J’ai trouvé son caractère, plein d’humour, intéressant à explorer. Je me suis beaucoup amusé en sa compagnie."

Si la richesse de la personnalité de Bill ne fut visiblement pas un obstacle, Daniel Day-Lewis racontait au cours de ce même entretien avoir vécu parfois le tournage comme une épreuve. Célèbre pour se plonger à 100% dans ses rôles, il avait appris à découper de la viande auprès de véritables bouchers pour ce film et pris des cours de lancer de couteaux. Restant dans son personnage sur le plateau, il était pleinement investi dans ce projet de Scorsese.

"Il arrivait toujours un moment où chacun se demandait : “Qu’est-ce que je fais ici? Est- ce que je vais y arriver?” Les gens craquaient en silence à tous les coins du plateau.", racontait-il, juste avant que le réalisateur ne salue son courage : "Je pouvais toujours me reposer sur Daniel. Il était solide comme un roc. Parce qu’à ce moment-là, il était Bill le Boucher et pas Daniel Day-Lewis. Pendant le tournage, il a vécu dans une colère, une rage, avec laquelle il n’était pas agréable de cohabiter. Et cela, pas juste quand la caméra tournait, mais toute la journée. J’ai choisi Daniel parce que je savais qu’il irait jusqu’au bout."

Gangs of New York
Memento Distribution

"J’ai du mal à continuer à faire ce métier"

Au-delà de l'expérience intense que fut Gangs of New York, on comprend en lisant ses souvenirs de tournage que Daniel Day-Lewis songeait déjà à prendre sa retraite lors de la fabrication de ce film, il y a un peu plus de 20 ans. "Il ne s’est rien passé pendant le tournage de Gangs... qui m’amène à penser que je devrais faire des films plus souvent", répondait-il quand il était interrogé sur ses futurs projets en tant que comédien.

"La vie est un mystère infini. Comment pouvez-vous découvrir quoi que ce soit en traînant sur des plateaux de cinéma ?", ajoutait-il à ce propos. S'il n'utilisait pas clairement le terme "retraite", il assumait pleinement son souhait de vivre au maximum en toute discrétion, loin des plateaux de cinéma :

"J’ai beaucoup réfléchi à la question depuis des années, et, de toute évidence, cela affecte mon point de vue sur le travail. C’est même probablement une des raisons pour lesquelles j’ai du mal à continuer à faire ce métier. Mais il est exagéré de penser que ça m’inhibe complètement."

Si la fabrication de Gangs of New York fut compliquée, notamment à cause des conflits entre Martin Scorsese et son producteur Harvey Weinstein, son acteur principal fut salué pour sa performance. Il a depuis retrouvé les plateaux de cinéma, mais seulement pour cinq films en 20 ans, dont The Will Be Blood, de Paul Thomas Anderson, et Lincoln, de Steven Spielberg, qui lui ont valu chacun un Oscar du meilleur acteur. En 2017, il a officiellement annoncé sa retraite, expliquant qu'il ne souhaitait plus tourner de films après le remarqué Phantom Thread.

Martin Scorsese a failli quitter Hollywood après Gangs of New York

21 ans après la sortie de Gangs of New York au cinéma, Daniel Day-Lewis sortira-t-il finalement de sa retraite une nouvelle fois pour Martin Scorsese ? Rien n'est moins sûr : peu après la déclaration du cinéaste, le réalisateur de The Boxer et Au nom du père, Jim Sheridan, a expliqué dans la presse que le comédien était dégoûté par l'ère du streaming : 

"Il dit que c’est fini pour lui. Je continue à parler avec lui. J’adorerais travailler à nouveau avec lui. Il est comme tout le monde. Il consulte l’offre de streaming, il y a 7 000 choix et aucun n’est bon. Les films ont quitté le domaine public pour rejoindre le domaine privé. Avec votre télécommande vous pouvez l’arrêter. Ce n’est plus la même expérience. Ce serait super que Daniel revienne jouer dans un film, il est si talentueux."

Voici la bande-annonce de Gangs of New York :


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